Le Roman de la petite Maltaise

Cette légende est la même que celle raccontée par le curé Onésime Belcourt. Toutefois celle-ci, reprise par le curé Frédéric Tétreau dans l'hebdomadaire La Parole du 12 mai 1965, est beaucoup plus romantique. Jugez en par vous-mêmes.


Nous ne résistons pas ici au désir de raconter, en quelques mots, une passionnante histoire d'amour.

En ce temps-là, pendant que ces vétérans [du régiment de Meuron] déchus étaient détenus comme prisonniers sur l'Île de Malte, un doux roman s'ébauchait dans l'air tiède de ces lieux enchantés.

Comme Roméo et Juliette, Andrew Suzo et une petite Maltaise, que l'on imagine aux yeux de feu, s'étaient épris l'un de l'autre, et brûlaient de cet amour vrai et profond, ardent et indéracinable qu'a voulu le Créateur.

Ne pouvant épouser celle qu'il chérissait, parce que prisonnier militaire, Andrew dut lui dire adieu, lorsqu'il quitta l'Île pour le Canada. On imagine aisément la scène déchirante de ces adieux. Mais les liens du coeur ont une résistance que les lois humaines ne peuvent briser, parce qu'ils sont l'expression d'une loi divine.

Plus fort que la mort, l'amour n'est-il pas encore plus fort que la distance et les flots? Aussi, le soir du départ, la petite Maltaise, ne pouvant supporter l'éloignement de son ami, dans un élan de sublime audace, se lança à la nage dans le sillage du navire qui emportait son bien-aimé. C'était fou, mais quel acte héroïque n'est pas un peu fou?

Il n'y a pas de monstre. Le capitaine, un rude marin que n'aurait pas troublé un raz-de-marée, avait tout de même un coeur. Touché de tant d'intrépidité il donna l'ordre d'arrêter le petit navire, sauva la jouvencelle, dont les membres ruisselaient d'eau salée, comme dirait Virgile, et la jeta dans les bras de son amant. Les fiançailles ont lieu séance tenante et Andrew Suzo promet, devant témoins, d'épouser sa valeureuse maîtresse dès son arrivée à Québec.

Or, il se trouva que ce fut en ces temps, que le colonel Heriot s'occupait de coloniser Grantham, Andrew et son épouse y furent envoyés, où ils défrichèrent et cultivèrent une terre qu'ils donnèrent plus tard à Antoine Caya. Ils habitèrent chez leur donataire jusqu'à la mort d'Andrew, la veuve se retira alors aux Trois-Rivières. Quel romancier exploitera le scénario qu'offre cette touchante histoire?  Idylle plus captivante que le roman d'Évangéline!

La terre qu'avait développée le labeur de ces romanesques pionniers, située dans le 6e rang de Grantham, à deux milles de l'église actuelle de St-Germain, serait encore la propriété d'un descendant d'Antoine Caya.


Page créée le 28 décembre 2001
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