Les ancêtres Pierre et Jean Vallée
par
Maurice Vallée


Le pays du Talou, lieu d'origine des frères Vallée

L'histoire de cette branche de la grande famille Vallée se perd dans la nuit des temps au pays du Talou, région située entre les plateaux cauchois et picard, en Haute-Normandie. Cette contrée de la France fut habitée dans les premiers temps par les Véliocasses, une tribu gauloise, laquelle fut conquise par les Francs puis par Rollon le Viking avec ses troupes de guerriers danois. C'est de ce mélange de races qu'est probablement né au tout début du XVIIe siècle, l'ancêtre normand Pierre Vallée et son épouse Madeleine DuMesnil.


Rollon le Viking

Monument Rollon le Viking, Rouen, Normandie


Les généalogistes et historiens Cambray, Tanguay, Drouin, Jetté, Langlois et Lebel ont localisé le lieu d'origine de l'ancêtre normand dans la paroisse de Saint-Jean de la ville de Rouen en Normandie. Un seul document soutient cette thèse. Il s'agit de l'acte de mariage de son fils Pierre Vallée avec Thérèse Leblanc, le 12 janvier 1665, à Beauport en Nouvelle-France. Toutefois les registres de la paroisse de Saint-Jean, disponibles pour consultation à la Bibliothèque municipale de Rouen et encore en très bon état, nous apprennent que les ancêtres normands Pierre Vallée et Magdeleine DuMesnil, ne s'y sont pas mariés et que leurs fils Pierre et Jean n'y ont pas été baptisés. La lecture rapide des registres de quelques-unes des 30 autres paroisses de la ville de Rouen nous indique qu'il y a quelques familles Vallée à Rouen dans la première moitié du XVII
e siècle tout au plus.

Deux autres documents d'importance pointent toutefois dans une autre direction : les contrats de mariage de Pierre et de Jean Vallée en Nouvelle-France. Dans le premier cas, le 16 novembre 1664, le notaire Vachon indique la paroisse de « St Sent » évêché de Rouen comme lieu d'origine de Pierre. Le 7 janvier 1666, dans le contrat de mariage de Jean Vallée, le même notaire dit l'intéressé originaire de la paroisse de « Scainct Sang » archevêché de Rouen. De plus, Mary Louise Dalton dans son article publié en 1906, intitulé Notes on the Genealogy of the Vallé Family mentionne le village de Saint-Saëns comme lieu d'origine des frères Vallée. L'auteur avait consulté sir Arthur George Doughty, le célèbre archiviste du Canada, et un monsieur Gaudet, généalogiste, à l'époque, lesquels avaient dû consulter les contrats de mariage.
 

Saint-Saëns et les familles Vallée

Saint-Saëns est une petite ville normande située à près de 30 kilomètres au nord de la ville de Rouen et à égale distance, au sud, de la ville de Dieppe, sur les bords de la rivière Varenne, en bordure de la forêt d'Eawy. Notons par ailleurs la proximité des villages de Louvetot et de Muchedent d'où ont émigré les pionniers des familles Leduc, Lefrançois et Trépanier.

Au XVIIe siècle, dans les registres, Saëns s'écrivait sans le « s » final et se prononçait « san », tout comme encore aujourd'hui, d'où les difficultés d'orthographe du notaire Paul Vachon en Nouvelle-France. La ville doit d'ailleurs son nom à un moine irlandais du nom de Saen (nom en gaélique ancien qui correspond à « Jean » en français) qui y fonda un monastère vers l'an 675.

Selon les registres de la paroisse de Saint-Saëns, de son mariage avec Madeleine DuMesnil, l'ancêtre normand Pierre Vallée a fait baptiser une dizaine d'enfants dans cette paroisse :


église du village de Saint-Saëns 
Ancienne église de Saint-Saëns démolie en 1896
Courtoisie de M. Claude Fournier, historien

Il n'y a pas d'autre baptême célébré par notre couple, ni avant, ni après ces dates. Il semble donc que Marie ait été l'aînée et Louis, le benjamin. Dans le registre toutefois, une Magdelaine Mesnil a été inhumée au cimetière de la paroisse de Saint-Saëns le 20 mars 1646. Est-ce la femme de Pierre, notre ancêtre normand ? L'incertitude demeurera sur ce fait car le prêtre n'a pas noté les références habituelles lors de l'inhumation. Chronologiquement, cette date correspond à la disparition aux registres du couple Pierre Vallée et Magdelaine Dumesnil et au mariage d'un Pierre Vallée avec Suzanne Savary le 31 juillet 1646.  Est-ce notre ancêtre qui se remarie ? Si c'est le cas, il a au moins trois autres enfants : Laurens, baptisé le 24 juillet 1647, Catherine, le 23 avril 1649, et Louyse, le 8 février 1652. Est-ce également notre ancêtre Pierre Vallée qu'on inhume au cimetière du village le 28 mars 1657 ? Coïncidence qu'en cette même année 1657 il soit fait mention pour la première fois de son fils, Pierre, en Nouvelle-France, dans un acte de baptême du 28 décembre 1657 aux Trois-Rivières ?

D'autres preuves et recherches dans les actes notariés de Saint-Saëns sont toutefois nécessaires pour confirmer les liens entre ces mariages et décès. Des recherches effectuées aux Archives départementales de Rouen en juin 1994 dans les minutiers des tabellions Dumesnil, Jacques Leblanc et Louis Varengues ne nous ont apporté aucune information supplémentaire sur la vie et la famille de notre ancêtre normand. Celui-ci était-il trop pauvre pour requérir les services d'un tabellion ? Passait-il ses contrats notariés chez un tabellion dans une autre village ? Y-avait-il d'autres tabellions à Saint-Saëns dont on n'aurait pas conservé les minutiers ? Toutes ces questions demeurent sans réponse.

Sous l'ancien régime, Saint-Saëns était une châtellenie « dans le ressort de laquelle se trouvaient plusieurs paroisses circonvoisines », selon André Lejeune dans ses Notes sur Saint-Saëns rédigées en 1930 et publiées en 1999 par l'Association pour le XIIIe Centenaire de Saint-Saëns. La lecture des actes notariés du tabellionage royal de la première moitié du XVIIe siècle, nous a révélé l'existence à Saint-Saëns de plusieurs Vallée dont certains sont déclarés chirurgiens.

Les registres paroissiaux de la première moitié du XVIIe siècle de Saint-Saëns, pour leur part, viennent compléter le portrait d'ensemble. Un douzaine de baptêmes et une quinzaine de sépultures consolident notre impression que plusieurs familles Vallée vivent au village de Saint-Saëns et y sont installées depuis plus d'une génération. Pour se situer encore mieux dans le contexte historique, mentionnons que, selon l'historien Lejeune, la peste a fait son apparition à Saint-Saëns en l'an 1628, tout juste deux ans avant la naissance de la première fille de Pierre Vallée et Marguerite Dumesnil. Le fléau a ensuite été répandu dans toute la région

Puis l'année 1639 a été marquée par la peste encore une fois et par la révolte des Nu-Pieds, laquelle est attribuée aux nombreuses taxes extraordinaires imposées au peuple français depuis trois ans pour le financement de la guerre au roi d'Espagne. Enfin, le 16 mai 1648, le feu allait détruire presque tout le village de Saint-Saëns. Selon Lejeune, l'élément destructeur Est-ce à cause de ces fréquentes calamités que Pierre et Jean Vallée ont quitté leur village ? Celles-ci, additionnées aux nombreuses taxes, devaient sûrement décourager beaucoup de jeunes gens. Père et mère très probablement décédés, la cohésion familiale ne les retient plus. Ajoutons à cela le goût de l'aventure et les promesses des marchands de Rouen chargés d'amener des immigrants en Nouvelle-France en échange de droits exclusifs sur l'exportation des peaux de castor, il n'en faudra pas plus pour décider les deux jeunes Vallée à s'embarquer.
 

La traversée de l'Atlantique

Notre hypothèse de recherche est que les frères Vallée se sont embarqués à Dieppe pour la Nouvelle-France à l'été 1657 sur un des bateaux commandés par le capitaine Poullet et affrétés par les marchands de Rouen, le Saint-Sébastien, et ce, en compagnie de Charles Lefrançois de Muchedent, village situé à quelques kilomètres de Saint-Saëns.

Un employeur de la Nouvelle-France les a probablement engagés pour une période de trois ans à la suite de la signature d'un contrat notarié qu'il serait intéressant de retrouver. L'employeur a dû payer pour leur passage et avancer une certaine partie du salaire, estimé à 75 livres par an.
 

Pierre Vallée et son histoire en Amérique

C'est le 16 novembre 1664, devant le notaire Paul Vachon, que Pierre Vallée dit Lavallée a conclu un contrat de mariage en présence de Thérèse Leblanc, sa future épouse, de Léonard Leblanc, son futur beau-père, de Marie Riton, sa future belle-mère, de Jean Vallée, son frère, de Robert Giffard, seigneur de Beauport, et Marie Renouard, son épouse, de Marie Giffard, femme de Jean Juchereau, de René Chevalier et Jeanne Langlois sa femme, de Nicolas Juchereau de Saint Denis, de Noël Langlois, de Paul et Jean De Rainville, et de Pierre Marcou.

Signature de Pierre Vallée dit Lavallée, maître chirurgien
tirée du contrat de mariage de son frère Jean

Pierre a célébré son mariage avec Thérèse Leblanc à Beauport le 12 janvier 1665. L'acte de mariage nous est rapporté dans le registre de la paroisse de Notre-Dame de Québec.

Pierre Vallée et Thérèse Leblanc ont eu dix enfants pendant leurs 21 ans de vie commune. Les prénoms de ces derniers sont : Thérèse, Marie, Suzanne, Marguerite, Pierre-Vincent, Michel, Louis-Charles, Nicolas-Marie, Marthe et Charlotte. Voici quelques lignes sur chacun d'eux.


Pierre Vallée dit Lavallée et Thérèse Leblanc ont eu plus de 90 (94) petits-enfants. Cette branche Vallée s'est développée près de Beauport, mais également en Gaspésie et en Beauce, sans parler des États-Unis où les plus connus de la lignée furent François Vallée dit Lavallée, commandant du Fort Sainte-Geneviève aux Illinois au XVIII
e siècle et Rudy Vallée, chanteur et homme-orchestre de la première moitié du XXe siècle. Au Québec, il nous faut également mentionner le photographe Louis-Prudent Vallée, réputé pour ses vues stéréoscopiques de la ville de Québec.

 

Jean Vallée et son histoire en Amérique

Le 22 mars 1664, l'ancêtre Jean Vallée a obtenu par contrat, devant le notaire et maçon Paul Vachon, une concession de M. Charles de Lauzon sur l'île d'Orléans. Il s'agit d'une terre de deux arpents et demi située entre les terres de Jean Guy et Joachim Martin dans le fief Lirec, détaché en 1656 de la Seigneurie de l'Île d'Orléans. Le voisinage de Joachim Martin et plus particulièrement celui de Marie, sa sœur, arrivée depuis peu, allait orienter la destinée de notre ancêtre et la nôtre par le fait même.

Selon le contrat et l'acte de mariage du couple, l'épouse de l'ancêtre Jean Vallée, Marie Martin, est originaire de la paroisse Notre-Dame-de-Cougnes, ville, arrondissement et évêché de La Rochelle, en Aunis. En fait, elle a été baptisée le 9 janvier 1649 à l'église Sainte-Marguerite de La Rochelle selon le livre Un Martin en Amérique, Joachim Martin, né à Aytré, 1636-1690 de Marcel Martin, publié aux éditions du Septentrion en 1997. Mentionnons également que Marie Martin n'a jamais utilisé ou porté le surnom d'Amelin comme certains l'affirment. Elle n'est pas non plus fille du Roy quoiqu'on en dise.

Le contrat de mariage de Jean Vallée, âgé de 26 ans, et de Marie, âgée de 16 ans, a été passé devant le notaire seigneurial Paul Vachon le 7 janvier 1666 et le mariage a été célébré près d'un mois après la signature du contrat de mariage, soit le jeudi 4 février 1666. Jean Vallée se marie dans la paroisse de La Visitation-de-Notre-Dame à Château-Richer, selon la transcription faite en 1926 par Amédée Gosselin, prêtre et archiviste du Séminaire de Québec, chargé de la garde des originaux très mal en point.

Signature de Jean Vallée à son contrat de mariage

Du mariage de Jean Vallée et de Marie Martin sont nés à l'île d'Orléans trois enfants : Marie-Madeleine, Charles et Élisabeth.

L'ancêtre Jean Vallée est décédé entre le 28 janvier 1673 et le 22 juin 1673 et a été enterré à l'île d'Orléans. L'inventaire des biens du défunt qui doit être fait, en principe, dans les trois mois suivant le décès, nous aide à situer plus précisément ce triste événement. L'inventaire a été fait par le notaire Paul Vachon en présence de Joachim Martin, le 22 juin 1673.

Jean Vallée, d'un naturel plus réservé que son frère Pierre, a laissé peu de traces en Nouvelle-France. Sa descendance s'est installée principalement à Sainte-Anne-de-la-Pérade mais également à Baie-du-Febvre puis dans les Cantons de l'Est et dans l'État du Massachusetts. Les plus réputés de cette branche des Vallée furent certainement les patriotes Joseph Vallée, époux de Thérèse Rodney, et son fils, Guillaume-Jacques-Léon Vallée, époux de Henriette Courcelles dit Chevalier, inculpés de haute trahison en 1838 à Montréal.



Généalogie


Plaque commémorative à Saint-Saëns

Une commission d'étude a proposé un plan d'ensemble pour valoriser les sites historiques du bourg de Saint-Saëns. Dans ce cadre, une plaque commémorant les baptêmes des ancêtres Vallée a été commandée et livrée. Elle a été fixée au mur intérieur de l'église, près des fonts baptismaux, par l'Association du XIIIe centenaire de Saint-Saëns.

L'inauguration de cette plaque commémorative s'est faite samedi 29 juillet 2000 à 11 h 30 au son des cloches de l'église en présence du Député-maire de Saint-Saëns, Monsieur Alain Le Vern, également président du conseil régional de Haute-Normandie, de Monsieur le Curé de Saint-Saëns, de Monsieur Claude Fournier, président de l'Association du XIIIe centenaire et de son épouse, des parents, amis, et notables de Saint-Saëns, de la famille Léo Vallée de l'île de Vancouver (côte du Pacifique au Canada) et de moi-même de Montréal. Soulignons également la présence de Monsieur le maire Marcel Horcholle du village de Muchedent, de l'artiste-peintre Bernard Pruvost de la localité de Critot et d'un petit canadien né à Longueuil (en face de Montréal) et résidant de Saint-Saëns depuis peu. Voici quelques photographies de cet événement historique et du village actuel.


De la lecture

Vous trouverez copies de mes notes de recherche sur les ancêtres Vallée aux endroits suivants :

Société généalogique canadienne-française (coin Davidson et Sherbrooke, Montréal)
Société de généalogie de la Mauricie et des Bois-Francs (Trois-Rivières)
Société de généalogie de Québec (Ste-Foy)
Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) à Montréal (535, avenue Viger est)
Syndicat d'initiative de la ville de Saint-Saëns

Une traduction

Traduction en langue anglaise des Ancêtres Pierre et Jean Vallée
English version


Autres photographies de la ville de Saint-Saëns sur le site de la mairie

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Page créée le 17 juillet 1998 et mise à jour le 26 juillet 2023
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